Pour les éleveurs de buffles des marais irakiens

En juillet dernier, l’Unesco classait le site des Ahwar, au sud de l’Irak, patrimoine mondial de l’humanité. Au débouché du Tigre et de l’Euphrate, cet espace deltaïque de près de 22 000 ha, joue un rôle considérable dans cette région aride, celui de régulateur climatique autant que de réserve d’une biodiversité exceptionnelle. S’y trouvent aussi des vestiges archéologiques de première importance, de ceux qui, remontant au 3ème millénaire avant J.-C., justifient l’exposition présentée actuellement au Louvre-Lens : « L’histoire commence en Mésopotamie ».

Avant les années 1980 et la guerre Iran – Irak, 250 000 habitants, les Madan, y vivaient de pêche, d’élevage et d’agriculture vivrière. Le roseau, dont ils construisaient avec art leurs maisons, nourrissaient leur cheptel et savaient en constituer des radeaux pour supporter des cultures flottantes, était au centre de leur existence. A la guerre, qui en avait déjà contraint beaucoup à l’exil, s’est ajoutée la terrible répression qu’y a menée Saddam Hussein en 1991. Pour en chasser les rebelles chiites, le Président irakien ordonne en effet d’énormes travaux d’asséchement qui ont pour résultat de détruire l’environnement et d’y rendre toute vie humaine impossible. En 2003, lors de l’invasion américaine, quelques milliers d’habitants bien décidés à retrouver leurs marais s’emploient à détruire les digues, les écluses et les canaux qui les privent d’eau. La vie reprend mais l’espoir est de courte durée car la sécheresse sévit de nouveau. L’affaiblissement du débit des fleuves par la multiplication de barrages en amont, la pollution croissante, la raréfaction de l’aliment de base des herbivores, le roseau, et les défaillances d’un état affaibli, contraignent de nouveau les plus résistants à partir. Or là encore, l’élevage pastoral du buffle d’eau constituait bien, par ses productions laitières et fromagères, la clé de voûte d’un écosystème millénaire. Survivra-t-il au chaos qui règne actuellement au Moyen-Orient ? Saura-t-on sauver l’espace humide du delta du Tigre et de l’Euphrate, l’un des plus importants de la planète, et y faire concourir les éleveurs de buffles d’eau en leur permettant d’y poursuivre leur activité ?

Photo Jasim Al-Asady